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Phnom Penh

Publié le 27 Jan 2012 — par Nous
Catégories Cambodge

Après ces trois jours de visites dans les temples d’Angkor à pédaler et marcher, nos pauvres pieds sont dans un état pitoyable. Pour les soulager, on leur offre gracieusement un massage bien typique d’ici un « Fish massage » en compagnie de Magalie et Philippe, un couple belge rencontré à la frontière. Assis, les pieds immergés dans un bassin, on se fait grignoter les orteils par des dizaines de petits poissons, avides de nos peaux mortes. Après six mois de voyage, il y a de quoi faire un festin pour ces piranhas miniatures qui semblent se régaler. Au départ, impossible de garder les pieds à l’intérieur du bassin, ça chatouille, ça picote. Puis peu à peu on s’y fait, la sensation n’étant pas désagréable on y fini même par y prendre goût. Trente minutes plus tard, on ressort avec des pieds polis, comme neufs, prêt à endurer six nouveau mois de voyage.

Prochain arrêt, Phnom Penh, où l’on prévoit de s’arrêter un ou deux jours maximum avant de passer au Vietnam. Le bus est confort et rapide, fait assez marquant pour qu’on le souligne. Une fois sur place, on apprend que le lendemain les habitants célèbrent le « tet », le nouvel an chinois. S’en suit quatre jours de fête pendant lesquels la plupart des magasins, restaurants et administrations ferment… y compris l’ambassade du Vietnam. Cet imprévu nous oblige un peu à changer nos plans, on se retrouve bloqué à Phnom Penh pour au moins 5 jours.  Font chier avec leur nouvel an! « Ca fait partir du voyage » se dit-on avec philosophie.

On prend notre mal en patience, et on passe ces quelques jours à visiter la ville. Pas grand chose à voir à part quelques bâtiments coloniaux et le grand palais. Ça tombe bien puisqu’on avait loupé celui de Bangkok. On se rattrape ici, des temples dorés, deux trois statues, des pagodes c'est sympa mais sans plus. Tiens, est ce qu’on commencerait « enfin » à se lasser des temples après quatre mois en Asie ?

Le soir, on se promène au bord du fleuve, observant les cambodgiens qui viennent ici pour se détendre et faire de l’exercice malgré les passés 30 degrés. Le sport phare ici est une sorte de badminton, où les pieds remplacent les raquettes. Le but n’étant pas de marquer des points mais de renvoyer le volant avec le plus de classe possible.

Alignés en rang, serrés sur les berges du fleuve, se trouvent les restaurants. Du boui-boui local au gastro, on y découvre les spécialités culinaires du Cambodge. L’amok, un curry doux au lait de coco, poisson et plantes fraîches. Le Lok Lak, du bœuf sauté sucré-salé, souvent accompagné d’un œuf. Ou encore les mygales, serpents et lézards grillés qu'on n’a pas testé sûrement par manque d’appétit. On découvre également le « plateau de 5 fromages, pain, olives et son verre de Chardonnay »… pas très cambodgien on vous l’accorde, mais tellement bon après quatre mois de nourriture asiatique.

Pour le nouvel an chinois, des spectacles de rue animent Phnom Penh. Plusieurs dragons géants, représentant la noblesse la bravoure et la chance, dansent au rythme d’une fanfare de percussions, rentrant dans les maisons et commerces. Les piétons et les scooters s’attroupent pour observer le spectacle, créant de véritable bouchons en plein centre ville.

On ne peut décemment visiter le Cambodge sans s’intéresser à l’histoire des Khmers rouges. Bons élèves que nous sommes, on visite le musée de Tuol Sleng, témoin de l’époque la plus sombre du pays.  Appelé formellement S-21, le bâtiment était une ancienne école reconvertie en prison par les khmers rouges qui y enfermèrent les soi-disant espions et traîtres de la patrie communiste. Toute personne trop instruite était potentiellement dangereuse pour le parti et donc potentiellement traître. Ecrivains, professeurs, médecins y étaient enfermés, le seul fait de porter des lunettes était un critère suffisant à son arrestation. Aucune distinction d’âge, puisque les plus jeunes avaient à peine 5 ans... A l’intérieur, les prisonniers étaient torturés pendant plusieurs heures, jours ou semaines jusqu’à ce qu’ils « avouent » les crimes imaginaires qu’on leur demandait de confesser. S’en suivait leur exécution systématique, de manière toute autant brutale. Les bâtiments sont restés tels quels depuis l’arrêt de la prison en 1979. Les lits métalliques utilisés pour l’électrocution, les salles de classes transformées en cellules minuscules et même les potences permettant de pendre les gens sont encore là.

Une ambiance très pesante règne ici. Malgré les nombreux visiteurs, presque personne ne parle si ce n’est les quelques guides habitués à l’endroit. Les photos des victimes sont exposées dans les anciennes salles de torture, alignées par centaines sur de grands tableaux. Les khmers rouges étant très méticuleux dans leur horreur, chaque détenu était photographié et numéroté. Ce fichage systématique, voulu par Dutch le directeur, a permis d’identifier un grand nombre de victimes à la fin du régime des khmers rouges. Au total plus de 20’000 personnes ont étés torturées puis exécutées dans cette prison, seules sept en sont sortis vivantes.

Une partie de la visite est consacrée aux gardiens ou bourreaux de la prison. Ils étaient majoritairement des enfants entre 16 et 21 ans, car plus malléables et aussi plus cruels que des adultes. Certains d’entre eux témoignent, 30 ans après et pour la plupart n’ont pas beaucoup de regrets dans leurs propos. Selon eux, ils ne faisaient que suivre les ordres sous la contrainte, ne se rendant pas compte de ce qu’ils faisaient. Difficile de les juger car impossible de dire ce qu’on aurait fait à leur place.

Cette partie de l’histoire du Cambodge nous touche beaucoup, il est difficile d’imaginer qu’un peuple si souriant, accueillant et calme ait subi un génocide qui a décimé un tiers de sa population. Trente ans ce n’est pas  « il y a longtemps », et l’histoire ne semble pas encore oubliée, d’ailleurs, le procès des principaux dirigeants n’est pas encore terminé. Beaucoup de khmers rouges sont encore vivants et ont repris une vie normale, difficile de concevoir que derrière le chauffeur de tuk-tuk ou le vendeur du marché, il y a peut être un ancien tortionnaire de la prison S-21.

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