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Mince de mine

Publié le 21 May 2012 — par Nous
Catégories Bolivie

Nous descendons en direction de l’Argentine, deux derniers arrêts en Bolivie, Potosi et Tupiza.

Potosi, ville minière, ancienne plus riche et plus grande ville des Amériques respire encore le luxe et l’argent par ses bâtiments, notamment ses 80 églises somptueuses, mais n’abritent aujourd’hui plus qu’une population pauvre, qui extrait encore le peu qu’il reste du « Cerro Rico » (le mont riche).

La découverte principale ici est bien évidement la visite des mines d’argent. Mais nous ne sommes pas emballés à l’idée de descendre afin d’observer ces mineurs dans des conditions infernales. Par peur de voyeurisme, nous hésitons longuement… Après quelques discussions à gauche et à droite, nous tentons l’expérience.

Première étape, nous nous équipons. Puis, nous nous rendons à l’endroit où la roche arrive, brute, et en est extrait l’argent.

Direction le marché pour acheter des présents pour les mineurs ; explosifs, eau, alcool, feuilles de coca… Les mineurs sont indépendants et louent une partie de la mine à la coopérative. Ils doivent donc se procurer eux-mêmes le matériel nécessaire pour leur travail. Du à la difficulté de leur activité, les mineurs mâchent de la coca, qui soulage la douleur et atténue la faim. Ils ne leur faut pas moins de 300 feuilles, deux fois par jour pour tenir le coup. Et puis aujourd’hui, c’est vendredi, jour où ils offrent de l’alcool, des cigarettes, des feuilles de coca à Tio (l’oncle, le dieu sous terre, pour ne pas dire le diable) afin de s’assurer de sa protection. Pendant ce rituel, les mineurs mâchent également de la coca, fument et boivent cet alcool à 96% afin d’oublier un peu leur existence difficile. C’est dans cette atmosphère que nous descendons sous terre…

Durant plus de deux heures, nous rampons dans de minces passages ou parfois seules quelques poutres pourries tiennent la roche. Nous courons pour éviter les nombreux chariots passant à toute vitesse, nous avons à peine le temps de faire marche arrière, de nous plaquer contre une paroi rocheuse que déjà il passe, deux hommes en sueur poussant ce monstre de deux tonnes. Nous  marchons dans une atmosphère chargée de poussière ainsi que d’autres composants invisibles tels que l’amiante ou la poudre de silice. Le tout dans une chaleur écrasante. Nous portons des écharpes en guise de masque, pour filtrer un peu toutes ses particules nocives, mais nous avons beaucoup de peine à respirer, nous sommes à 4200m. Notre gorge nous gratte, notre trachée nous brûle et notre nez est complètement sec. Un sentiment d’angoisse et d’oppression se fait sentir tout du long. Les mineurs eux, ne portent pas de protection, ils ont besoin de s’oxygéner beaucoup plus dû à l’effort et à l’altitude, les masques les empêchent de s’oxygéner assez.

Nous allons jusqu’au 3ème sous-sol où une première équipe de mineurs fait exploser des bouts de roche, avant de pousser le chariot, jusqu’à la deuxième équipe.  Celle-ci pelle tous les gravats déversés à terre par le chariot, puis les hisse grâce à d’énormes sauts en cuire jusqu’à l’étage supérieur où le travail se poursuit. Ici pas d’ascenseur électrique, il faudrait le payer… Les mineurs sont décharnés, les yeux rouges, probablement dus à l’excès de coca prise, les visages sont marqués. Dans de telles conditions, chacun compte sur les membres de son équipe pour tenir le coup durant plus de 12 heures par jour, et sous une température atteignant parfois 45°C.

Nous sommes soulagés d’en sortir. L’expérience faite, nous ne voudrions pas la reproduire une seconde fois… et dire qu’eux, ils redescendront demain et le jour suivant encore, jusqu’à tomber malade ou mourir en respirant une poche de gaz carbonique ou en étant ensevelis dans un éboulement. L’espérance de vie des mineurs est de 55 ans. Leur salaire est certes, trois fois plus élevé que les boliviens en général, mais à quel prix ?

Après cette expérience traumatisante, nous partons pour Tupiza. Petit village tranquille au milieu de canyons impressionnants.  Nous passons quelques jours dans le village et nous baladons dans les quebradas, des formations rocheuses creusées par la pluie et le vent. L’impression d’être dans un western est saisissante, on s’attendrait presque à voir débarquer Lucky Luck derrière un cactus.

Demain nous passerons déjà en Argentine, après une vingtaine de jours géniaux passés en Bolivie.

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